Une nouveauté 2019 : Paroles ouvre ses portes aux jeunes tous les samedis après-midis ! Le Centre poursuit son ambition d’incarner un troisième lieu de vie pour nos jeunes, et proposera désormais des activités chaque samedi. Sorties, jeux, ateliers, films, sport... seront mis à l’honneur pour leur proposer un panel le plus varié possible !

C’est dans ce cadre que nous sommes heureux de lancer un nouveau projet à destination des jeunes : le Ciné-débat !

Chaque mois, les adolescents seront invités à résumer, décortiquer et commenter un film dans le but de les aider à développer leur esprit critique et se questionner sur des sujets de société. Ce type d’atelier est pour l’équipe un levier indispensable pour faire des jeunes de Paroles de futurs citoyens épanouis, maîtres de leurs choix, et des acteurs de changement.

 

Pour introduire notre première séance de ciné-débat, nous avons choisi Le Transperceneige (Snowpiercer, 2013, de Bong Joon-Ho).

 

Résumé du film : Dans un futur où une expérience ayant pour but de régler le réchauffement climatique tourne à la catastrophe, un système de classes se crée à bord du Transperceneige, un train qui parcourt la planète glacée grâce à un moteur animé par un mouvement perpétuel, ce système de classes devenant insoutenable, la population du dernier wagon se révolte.

 

Ce film avait pour objet de discuter ensemble de l’inégalité de la répartition des ressources dans les sociétés contemporaines.

Il s’agissait donc d’amener les jeunes à réfléchir sur les inégalités sociales d’une part, et des ressources qui nous entourent d’autre part, afin de faire des liens entre ces deux paramètres.

 

Suite au film, Naïm, l’animateur des Ciné-débats invite les participants à débriefer le film au tableau : que raconte le film ? Quel résumé en font-ils ? Qui sont les protagonistes ? Quels sont leurs rôles respectifs ?

Cette première étape amène les jeunes à faire un bilan à chaud, à resituer collectivement les différentes informations. Viennent ensuite spontanément des liens entre fiction et réalité, et les premières analyses des métaphores du film... En découlent enfin les premières réflexions sur un système valorisant certaines classes sociales et dévalorisant d’autres.

 

Le film présente deux classes sociales bien distinctes :

  • la « classe des travailleurs » en queue du train évoquant la définition du prolétariat par Karl Marx : « Par prolétariat, j’entends la classe des travailleurs salariés modernes qui, ne possédant pas en propre leurs moyens de production, sont réduits à vendre leur force de travail pour vivre. »[1]
  • La « classe des oisifs » en tête du train rappelle les écrits de l’économiste et sociologue américain Thorstein Velben « L’émergence d’une classe oisive coïncide avec les débuts de la propriété […] Avec le temps, l’activité industrielle évincera peu à peu l’activité prédatrice. Les occasions de montrer physiquement sa vaillance se feront plus rares, ce qui augmentera l’importance de la preuve indirecte de cette vaillance : la propriété. […] »[2]

Et cette analyse de ses écrits : « Considérant la classe (qu'il nomme la classe de loisir) à l'abri des besoins matériels immédiats et de la contrainte du travail autre que souhaité, il y trouva essentiellement la vanité et le désir de se démarquer de son voisin. Il note que, par sa consommation, l'élite gaspille du temps et des biens. Elle fait du gaspillage du temps, soit le loisir, et du gaspillage des biens, soit la consommation ostentatoire, ses priorités. » [3]

 

Nos jeunes en tirent l’idée globale qu’une classe sociale besogne pendant que l’autre compare les richesses accumulées.

Lors de cette réflexion de groupe, l’une des jeunes a questionné la signification même de ce que l’on peut nommer une richesse en affirmant que d’autres formes d’accomplissement pouvaient être regardées comme des richesses. Cette question illustre la haute portée philosophique que peut faire surgir ce genre d’animation.

 

Trois animations sont venues enrichir et dynamiser le débat :

 

  • Le jeu des chaises[4]

 

Le jeu consiste à demander au groupe qui participe à l’animation de représenter selon ce que l’on croit être juste, la répartition de la population mondiale. Cette répartition, les participants l’illustrent en se positionnant dans une pièce où l’on aura délimité l’espace en fonction de cinq grands ensembles géographiques : Amérique du nord, Europe, Asie, Afrique et Amérique du sud. Par la suite l’animateur informe de la répartition réelle de la population mondiale et repositionne les participants en fonction.

La deuxième étape consiste pour les participants à répartir en fonction de leurs croyances un certain nombre de chaises représentant les richesses mondiales produites en une année sur les cinq ensembles géographiques indiqués précédemment. L’animateur corrige cette répartition de chaises en relation avec la réalité de la répartition des richesses mondiales produites. Ce moment est sans doute le moment clé de cette animation car il vient illustrer de manière matérielle la répartition inégale des richesses. L’animateur, pour faire ressentir encore plus cette inégalité de répartition, peut demander aux participants qui le peuvent de s’assoir sur les chaises. Certains ne trouveront aucune chaise pour s’assoir, d’autres se retrouveront avec plus de chaises que de participants.

 

  • « C’est pas juste ! »[5]

 

Cette deuxième animation questionne encore la répartition des richesses et l’inégalité d’accès aux ressources permettant de vivre dignement, en y ajoutant les difficultés sociales que rencontrent certaines populations et/ou groupes sociaux. Ici l’animation illustre les différences de priorités d’investissements des richesses produites ; les différents participants à l’animation sont mis en situation.

Exemple : un travailleur se voit obligé de reverser une part de son salaire pour payer les études de sa jeune sœur, quand un autre peut s’acheter un terrain ou offrir sont surplus de richesses à sa famille. Le tout est illustré par des cartes tirées au hasard et des friandises représentant les richesses produites. Le nombre de friandises est distribué en fonction de la carte qu’a tirée le participant.

 

Les réactions des jeunes lors de ce jeu ont été vives car celui-ci leur a fait vivre une forme d’injustice dans la répartition des friandises dont ils avaient tous envie.

 

  • Le débat mouvant

 

Le débat mouvant est une technique d’animation utilisée par l’éducateur populaire Franck Lepage durant ses ateliers, elle consiste à représenter les désaccords spatialement pour engager un débat où chacun des participants va pouvoir argumenter son positionnement.

Nous découpons d’abord la salle en trois espaces : Pour / Rivière du doute / Contre.

Naïm a posé une question à tout le groupe qui se trouve au centre de la pièce dans la rivière du doute : « Trouvez-vous normal qu’il existe des riches et des pauvres ? »

Chaque participant s’est déplacé ensuite à l’endroit qui indiquait sa réponse. Ceux qui doutaient pouvaient rester au centre de la pièce. Ensuite chacun pouvait prendre la parole afin qu’il puisse donner les raisons qui, selon lui, justifiaient son choix. Tous les participants argumentent à leur tour, en espérant faire venir dans leur camp ceux qui sont en désaccord.

 

Lors de cette animation les jeunes ont questionné la notion de justice sociale.

Est-ce qu’être riche ça se mérite ? Est-ce que cela veut dire que certains méritent d’être pauvres ? Est-ce que quelqu’un qui hérite d’une fortune a mérité cette richesse et si oui, est-ce sans condition aux regards des conditions de vie des autres ?

C’est ce genre de questions qui ont jalonné le débat et suscité la réflexion lors de cette animation.

 

En fin d’atelier, nous avons proposé aux jeunes un débriefing et une évaluation. Nous nous sommes rassemblés en demi-cercle afin que chacun puisse donner ses impressions sur le film, ainsi que les animations auxquelles il avait participé.

Le dispositif d’évaluation s’appuyait sur l’expression volontaire des jeunes, cette évaluation de séance est primordiale pour l’équipe qui souhaite adapter ce type d’animation aux demandes des participants et en améliorer l’aspect ludique qui favorise la motivation et l’apprentissage !

 

 

 

[1] Karl Marx, Philosophie, Gallimard, 1994, P. 594

[2] Thorstein Velben, Théorie de la classe de loisir, 1899

[3] Wikipédia : biographie de Thorstein Velben https://fr.wikipedia.org/wiki/Thorstein_Veblen

[4] http://www.iteco.be/revue-antipodes/se-jouer-des-inegalites-cinq-exercices-dont-le-jeu-des-chaises-actualise/article/jeu-des-chaises-actualise

[5] https://ccfd-terresolidaire.org/mob/nos-outils-d-animation/visa-pour-le-voyage/developpement-et/c-est-pas-juste-4386